Osons une vraie politique de Formation !

Publié le par UT2 Autrement

L’université de Toulouse II le Mirail se caractérise par une offre de formation très riche et de grande qualité, des enseignants et enseignants-chercheurs de haut niveau, soucieux de défendre la valeur de nos diplômes, de développer de nouvelles formations, tout en maintenant une transmission des savoirs dits « académiques » et des enseignements liés à l’érudition.

 

Notre « palette » s’étend du sanskrit, du polonais ou du scandinave, jusqu’à l’Hôtellerie et au Tourisme ou, si nous prenons en compte les formations dispensées sur d’autres sites que le campus Mirail, jusqu’au Génie Mécanique ou l’usinage à grande vitesse. 

 

Depuis 2008, « l’intégration » de l’IUFM, aujourd’hui Ecole interne de Toulouse II, a enrichi cet ensemble par l’apport de la Formation des maîtres (formation initiale dans le cadre des Masters MEF et EFE et Formation Continue, sur le campus et sur les sites).

 

Pourtant si, en Recherche, nous sommes une université SHS de premier rang en France et performante sur le site toulousain, l’appréciation extérieure sur notre offre de formation comporte des réserves. La richesse, la diversité de nos formations, l’excellent niveau des équipes enseignantes sont des points très positifs. Mais la complexité de cette offre la rend difficile à lire de l’extérieur, la réussite et l’insertion professionnelle de nos diplômés n’atteignent pas le seuil critique auquel il faudrait parvenir pour devenir une université de premier rang en matière de formation.

 

Cette situation mérite que nous prenions collectivement du recul pour l’analyser avec la capacité critique qui nous caractérise. Nous sommes les mieux à même de produire un constat raisonné et des propositions constructives qui prennent en compte à la fois l’identité de notre université et la façon dont elle souhaite se projeter dans l’avenir.

 

 

1.      Des Etats Généraux de la Formation à l’université.

 Les disparités sont grandes entre des formations majoritairement orientées vers les concours de la fonction publique, notamment ceux de l’enseignement, qui font aujourd’hui l’objet d’une désaffection réelle, et des diplômes permettant une insertion dans le monde socio-économique local ou national ou international, pour lesquels une aide à la recherche de stages en entreprise et un accompagnement à l’insertion est indispensable.

 

Faut-il considérer que nous devons concentrer nos efforts vers un déploiement des formations attractives et immédiatement professionnalisantes, en privilégiant des formations à fort taux d’insertion, ou bien que l’université a, par essence, une mission de formation académique fondamentale pour tous, qu’il est essentiel de maintenir ? Est-il possible de concilier ces deux aspects de la formation entre lesquels un fossé se creuse (effectifs, méthodes d’enseignement, relations avec le monde extérieur…) ?

 

Est-ce en termes de conciliation qu’il faut d’ailleurs poser la question, ou plutôt en termes d’offre globale, repensée, introduisant le savoir académique et l’érudition dans toute formation à caractère directement professionnalisant et, inversement, une approche « projet » dans toute formation académique ?

 

Les masters « métiers de l’enseignement » mis en place à la rentrée 2010 tentent d’associer ces dimensions, académiques et professionnelles, et d’intégrer une formation par la recherche dans le processus de professionnalisation. En dépit des limites, en grande partie liées aux contraintes de la place des épreuves des concours dans les semestres, ces formations ainsi que l’analyse critique qui peut en être faite sont susceptibles de nourrir la réflexion collective.

 

Prenons le temps, en vue de la prochaine campagne d’Habilitations (nous devons être prêts en octobre 2014 : autant dire demain), de nous interroger en posant clairement les enjeux : prise en compte de nouveaux paramètres comme le degré d’adaptation de nos enseignements à la demande de formation de nos publics, l’émergence de nouveaux métiers, mais aussi la cohérence de notre offre à tous les niveaux.

 

Prenons dès 2013 l’initiative d’Etats Généraux de la Formation dans l’université, destinés à définir les orientations du prochain quinquennal. L’approche « Domaines » actuellement pilotée par la DEEP est une première réponse à cette problématique cruciale, mais elle est insuffisante. Un constat public et clair, aidant la communauté à prendre conscience de ses disparités de fonctionnement, mais aussi de sa richesse, de ses pépites et définissant ses attentes, est nécessaire pour poser un diagnostic, et envisager des évolutions qui ne soient pas le résultat d’injonctions nationales mais celui de notre propre volonté d’avancer : une vraie politique de formation !

 

Une campagne de communication bien orchestrée permettrait en même temps de partager les nouvelles orientations issues de ces Etats généraux de la Formation avec les étudiants, leurs familles, les collectivités et les partenaires de notre environnement socio-économique régional. Il s’agit de montrer que notre Université reconstruit non seulement ses bâtiments mais son offre pédagogique.

 

 

2. Répondre au défi de la réussit pour tous dans une université dite "de masse"

L’université française affiche, en 2012, des ambitions louables mais parfois difficilement conciliables. Au niveau national, en 2011, 71,6 % d’une génération obtient le baccalauréat mais seulement 43,3 % quitte l’enseignement supérieur après avoir obtenu un diplôme. Comme bien d’autres universités, nous avons du mal à atteindre l’objectif de « réussite pour tous » que les indicateurs fixés par la DGESIP nous assignent pourtant (le parlement a fixé à 52 %, au niveau national, l’objectif de taux de passage de L1 en L2,  dont nous devrons nous approcher autant que possible).

 

Nous mettons en avant, dans nos principes et dans notre offre, la possibilité pour chaque étudiant de construire son cursus. Les deux ambitions doivent pouvoir se rejoindre. Pouvons-nous réduire l’écart et atténuer la contradiction ?

 

Nous devons prendre conscience que nos publics ont évolué, autant dans nos filières littéraires (en grande partie académiques) que dans les filières plus « scientifiques ». La « survie universitaire» des étudiants dépend souvent de leur niveau social et de leur origine. Attachons-nous d’abord, par tous les moyens, à atténuer les difficultés rencontrées par ces publics en prenant en compte leur précarité ou leur statut de salariés (cf. fiche « Etudier autrement ») en même temps que leurs difficultés d’adaptation à une institution (l’université française) qui a été conçue pour des publics qui ne sont plus les nôtres.

 

Accompagnons la socialisation des étudiants dans un monde totalement nouveau : pour apprendre la maîtrise des codes du monde universitaire, l’étudiant de Licence doit être incité à vivre sur le campus, suivre les enseignements et pouvoir être régulièrement évalué sans remettre à un contrôle terminal le soin de sanctionner une scolarité en pointillés.

 

La continuité de l’évaluation - un contrôle continu beaucoup plus développé et systématisé qu’aujourd’hui - et la proximité pédagogique sont deux éléments-clefs.

 

De même, il doit pouvoir construire un projet : être suivi, accompagné, orienté et réorienté sans que cette tâche soit exclusivement confiée à des services administratifs. La construction de ce projet doit faire partie de notre réflexion, de même que tout étudiant passé par l’université devrait pouvoir, même en l’absence de diplôme, faire valoir une qualification acquise à cette occasion : certification en informatique ou certification en langues. Il faut développer la préparation à ces certifications dans le cadre de nos maquettes.

 

Osons enfin développer des pédagogies nouvelles. Il ne s’agit pas d’apprendre aux enseignants à construire un Powerpoint ou à utiliser le dernier modèle d’ordinateur. Il s’agit d’oser enseigner autrement à des publics qui ne sont plus ceux d’il y a vingt ans. Placer un groupe d’étudiants en situation et le conduire à une réalisation dans la discipline enseignée (pédagogie par projet, enseignement par compétences) n’est qu’une de ces modalités. S’autoriser à utiliser un ENT pour travailler hors cadre du cours magistral et selon des modalités plus proches de leurs pratiques natives en est une autre. Sur ce point, nous faisons deux propositions :

 

  1. Créer une « Commission des Enseignements et de la Pédagogie » (à ne pas confondre avec l’actuelle « Commission des Formations »), lieu de réflexion et d’expérimentation pour le développement dans notre établissement de ces nouvelles modalités de transmission des savoirs ; lieu également d’échanges entre les composantes pour une analyse croisée des difficultés et pour que les innovations réussies par les uns puissent être réappropriées par d’autres.
  2. Systématiser et renforcer les équipes pédagogiques dans chaque formation et PRIORITAIREMENT EN LICENCE : c’est la condition essentielle de la proximité pédagogique nécessaire à l’acculturation immédiate de nos nouveaux étudiants.

 

3.  Faire d’UT2 une université de premier plan pour la Formation tout au long de la vie.

 

En 2012, un enseignant, ou enseignant-chercheur du Mirail a en L1, plus d’étudiants en « reprise d’études » au sens large ou en formation continue, que de néo-bacheliers et sans doute autant d’étudiants salariés que d’étudiants auxquels les ressources familiales permettent de suivre une formation initiale dès l’obtention du baccalauréat.

 

Notre université a développé de nombreux savoir-faire pour enseigner de façon diversifiée à des publics dits spécifiques (sportifs de haut niveau, étudiants en situation de handicap ; les étudiants salariés doivent aussi en faire partie). Notre SED est le plus développé de France. Nous avons tous les atouts pour devenir une grande université de Formation tout au long de la vie.

 

Il faut encore développer l’accueil et l’accompagnement de ces étudiants de plus en plus nombreux, en adaptant notre « système » à la diversité de leurs situations. La Formation Ouverte à Distance (FOAD) est une modalité d’enseignement que nous avons les moyens de développer et qui peut permettre à des étudiants en situation spécifique de mieux réussir. Elle peut aussi permettre à l’université de s’ouvrir à de nouveaux publics, en Midi-Pyrénées, en France et au-delà.

 

Il sera important de développer des actions de formation continue qualifiantes vers l’extérieur, pour répondre à un besoin croissant de formation en ALL-SHS dans le monde socio-économique (remises à niveau sur les fondamentaux, maîtrise de l’écrit, connaissance des langues et des cultures…). Il faut pouvoir proposer des modules conduisant à une qualification et pas seulement à une diplômation. Cela suppose d’adapter notre potentiel à la demande extérieure, qui est réelle.

 

Après des années d’ignorance si ce n’est de disqualification de nos formations par la « société civile » (dont presque tous les dirigeants sont issus des grandes écoles), ce dispositif de réponse à la demande sociale extérieure fait partie de nos stratégies de refondation et de re-légitimation des « disciplines du sens » et des « humanités ». A long terme, leur survie académique est sans nul doute à ce prix.

 

Dans cette perspective, la formation continue des enseignants du premier et du second degré constitue un enjeu important. Elle doit s’inscrire dans un partenariat entre l’université et le Rectorat de l’académie de Toulouse, prenant appui sur le rôle d’interface que peut jouer l’IUFM Midi-Pyrénées, école interne.

 

4. Améliorer l’insertion professionnelle des étudiants : intégrer les notions de « compétences » et de débouchés 

 Travailler une offre de formation, cela ne consiste pas à remplir des cases pré-établies pour satisfaire à un ensemble d’attentes de la DGESIP, attentes par ailleurs destinées à varier ou à se contredire. C’est plutôt anticiper en prenant en compte l’évolution des publics étudiants, tout autant que l’évolution d’une société censée les accueillir, et les intégrer à l’issue de leur formation.

Prendre en compte l’évolution d’une société, ce n’est pas adapter l’offre de formation à la demande des entreprises mais, par exemple, se demander si un diplômé de lettres modernes, de lettres classiques disposant d’une culture générale renforcée (en philosophie, en histoire par exemple) ou un diplômé de philosophie qui aurait aussi acquis des compétences en droit ou en sciences, n’est pas aussi capable qu’un autre de s’insérer dans une entreprise ou de trouver un emploi en dehors de la fonction publique.

Prendre en compte l’évolution d’une société, c’est également prendre en compte la multiplicité des compétences nécessaires aujourd’hui à l’accomplissement d’une tâche, et la faillite des formations ciblées exclusivement sur des compétences techniques. Le débat actuel sur la « culture générale », présent dans tous les médias, en témoigne.

L’insertion repose aussi sur la prise en compte de modalités d’enseignement permettant une insertion directe vers certains métiers (licences professionnelles, DU et licences en alternance), sans craindre de développer la relation avec les entreprises.  De même que nous avons réussi le pari des bourses CIFRE pour les disciplines SHS mais aussi en Arts Lettres Langues, nous pouvons désormais gagner celui du développement de formations en alternance.

Notre université dispose d’un vrai potentiel scientifique et pédagogique pour le développement de formations dans des secteurs d’activité qui expriment un besoin (le développement durable dans le bâtiment par exemple…). Il faut aussi renforcer et structurer les services en appui aux stages et à l’insertion professionnelle (aujourd’hui CAP Pro et le SIOU qui constituent la DOSI, Direction de l’Orientation, des Stages et de l’Insertion). Enfin, le développement de partenariats en aide à l’insertion (« Nos quartiers ont des talents », « Place O jeunes » (offres de stages et d’emplois) doit être poursuivi.

 

5. De la Licence au Doctorat, privilégier l’ouverture, l’internationalisation, l’interdisciplinarité, l’évolution des savoirs.

L’université construit les savoirs qu’elle a pour mission de transmettre. Or ces savoirs ne se construisent et ne se transmettent solidement que :

  1. Par le rapprochement avec les savoirs et les méthodes d’autres secteurs disciplinaires.
  2. Par l’échange et la confrontation avec les méthodes et pratiques scientifiques de pays différents.

Enseignants, chercheurs ou enseignants-chercheurs, quel que soit notre statut, nous travaillons dans un cadre scientifique et pédagogique européen ou mondial. Nos étudiants se sentent, pour beaucoup, « européens ». Nos formations doivent prendre en compte ce phénomène.

Internationalisons nos formations, sans nous contenter de pratiquer une activité de « relations internationales » : un cursus de Master doit pouvoir systématiquement proposer un semestre à l’étranger, et nous devons pouvoir accueillir, pour une double diplômation, plus d’étudiants étrangers dans nos formations. La mobilité en licence doit être développée. L’expérimentation de Licences bilingues actuellement menée en Histoire (Histoire-anglais, Histoire-Espagnol) est un excellent terrain à travailler dans les années à venir pour d’autres formations. Ces actions ne peuvent être menées que par un travail étroit entre le CEVU et le service des Relations internationales, trop cloisonnés aujourd’hui.

Les groupes de réflexion du projet IDEX ont mis en évidence la nécessité de rapprocher les équipes pédagogiques des Universités et Ecoles d’ingénieurs du site toulousain, pour construire des parcours fondés sur l’interdisciplinarité : formations interdisciplinaires ou parcours au choix construits par l’étudiant. Notre université a tout intérêt à s’engager dans ce processus en y apportant sa capacité à :

  1. Faire valoir dans des formations en sciences dures, l’apport Lettres, Langues, Sciences humaines en « mineure » (philosophie, langue et civilisation…)
  2. Construire des formations à dominante ALL- SHS proposant un apport Sciences dures, ou Droit- Economie- Gestion en mineure.

La formation initiale et continue des enseignants doit notamment pouvoir bénéficier de ces rapprochements pour dépasser les clivages actuels préjudiciables. 

 

Enfin, la dimension de construction du savoir n’est présente de façon claire qu’en Doctorat,  et sensible à partir du Master, adossé à la recherche. L’un des principes du LMD était de renforcer les liens entre recherche et formation. Il semble que la Licence reste un niveau d’acquisition de savoirs non confrontés à la dimension évolutive de leur construction (savoirs plutôt « scolaires »), ce qui parfois, conduit à une dévalorisation des enseignants et des enseignements attachés à ce niveau.

Or, la recherche ce n’est pas seulement la mise en œuvre d’une érudition, c’est une démarche, une méthode fondée sur l’acquisition de valeurs et de « savoir-être » : la curiosité, la prise d’initiative, la créativité, la recherche d’objectivité, l’exercice du doute en font partie et doivent être acquises par les étudiants. Nous signons bientôt une charte en ce sens avec le lycée Toulouse-Lautrec. Développons ces initiatives.

Il ne s’agit pas d’intégrer les étudiants de Licence à des laboratoires de recherche, mais d’intégrer dans nos enseignements des valeurs pédagogiques et des méthodes prenant en compte l’évolution des connaissances. C’est un élément d’innovation pédagogique (cf. plus haut). L’objectif est de développer dès le début de la Licence une curiosité intellectuelle susceptible de développer ensuite d’autres comportements face aux savoirs, d’autres valeurs.

 

6. Une inscription des formations dans l’aire urbaine et en région

Implantée sur six sites dans l’aire urbaine (Mirail, rue du Taur, et les 3 sites toulousains de l’IUFM : Av. de Muret-Croix de Pierre, St-Agne, Rangueil), l’université de Toulouse II est aussi présente dans tous les départements de Midi-Pyrénées (Foix, Tarbes, Auch, Figeac, Cahors, Montauban, Albi, Rodez). Ce qui peut au premier abord apparaître comme une charge financière doit être au contraire considéré comme un atout.

Cette extension en région permet

  • de développer des formations au plus près de certains publics peu enclins à venir suivre des études à Toulouse, contribuant ainsi à la démocratisation de l’accès à l’enseignement supérieur (ex Daeu),
  • de développer des formations en relation avec les besoins locaux,
  • de favoriser le développement de synergies entre composantes d’UT2 (Foix, Cahors, Montauban) ainsi qu’avec d’autres établissements d’enseignement supérieur (Auch, Albi, Rodez, Tarbes),
  • de développer des partenariats avec les collectivités territoriales et de prendre part à la dynamique du schéma régional enseignement supérieur et recherche (SRESR).
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